Voici un article écrit dans le rebond de la pandémie et qui relate l’histoire peu banale d’une rencontre fantastique avec deux dames charmantes bravant les fortes vagues de la covid. Deux clientes devenues amies dans les circonstances difficiles que nous avons traversées tout un chacun, solidaires, avec nos blessures et nos victoires propres et surtout, la continuité. Parce qu’à trois c’est mieux et que nos entreprises sont toujours là, à votre service et à vous faire vivre la DIFFÉRENCE de la rencontre avec l’humain d’abord.
Comme je vous le disais en introduction, cet article devait être publié dans la feu 😵revue Travail et santé en 2021, mais les circonstances en ont voulu autrement.
Pour leur rendre justice et parce que l’histoire de Claudine et d’Anie demeure singulière, voici ce qu’avaient à me dire ces femmes fortes, respectivement aux commandes des Voitures d’eau et de la Canot à glace Charlevoix Les Traverseux, toutes deux fièrement de l’Ile-aux-Coudres. Bonne lecture!
L’entraide, outil précieux face à l’adversité
Chaque année, j’ai le plaisir d’aller à la rencontre de plusieurs dizaines d’organisations de toute culture, de tout secteur et de toute dimension. Toutes se définissent par leur volonté d’améliorer leurs pratiques en vue d’offrir un milieu de travail bienveillant et efficient. Parmi elles, certaines se distinguent des autres. Tantôt pour leurs résultats atteints. Tantôt pour les améliorations apportées à leurs processus et leur management. Et dans tous les cas, pour les gens. Voici le quatrième reportage de la série Entrevue avec un dirigeant, ou devrais-je dire, avec deux dirigeantes. Bonne lecture!
Entrevue avec deux dirigeantes
Deux entrepreneures de L’Isle-aux-Coudres font dorénavant partie de mes clientes et amies. Bien au-delà de la rencontre professionnelle, ce fut une rencontre avec deux femmes exceptionnelles et de caractère. Elles ont su surmonter la tempête de la COVID grâce à leur intelligence de cœur et à leur solidarité, et j’ai eu le privilège de partager avec elles, l’épreuve de cette expérience hors du commun. Ensemble, nous nous sommes entraidées à notre manière, afin de mettre en œuvre nos capacités respectives de résilience. Je les ai aidées en matière de gestion de risque face à une menace extraordinaire et elles m’ont aidé, tout comme quelques autres entreprises d’ailleurs, à garder le cap des affaires pendant le plus fort de la crise. Elles se sont senties soutenues. Je me suis sentie utile. Voilà un bel exemple témoignant de la relation qui existe entre moi et mes « bien plus que clients ». Dans la série des Entrevue avec un dirigeant, partez à la rencontre de Claudine Pedneault, copropriétaire et codirigeante de l’hôtel-motel Les Voitures d’Eau que nous nommerons Voitures d’eau et d’Anie Harvey, directrice générale de Les Traverseux – Espace Patrimoine Canot à Glace que nous nommerons Traverseux, deux établissements touristiques établis depuis plusieurs décennies dans la belle région de Charlevoix.
ML : Claudine et Anie, parlez-nous de vos entreprises et de ce qui vous unit.
CP et AH : Notre relation d’affaires en est d’abord une d’amitié. Nous nous connaissons tellement, qu’à peine avons-nous besoin de nous parler! Voici d’ailleurs, la genèse de cette belle aventure.
Débutons par les missions respectives des entreprises. Il s’agit de petites entreprises locales toutes deux du secteur du tourisme. Dans le cas des Traverseux, il s’agit d’un espace dédié à la course en canot à glace, incluant un musée d’interprétation et un petit espace de restauration situés stratégiquement au bord de l’eau et offrant une vue imprenable sur le fleuve Saint-Laurent. Membre du merveilleux réseau d’économusée, on y compte cinq employés.
Voitures d’eau est un hôtel-motel situé juste en face de l’autre. Sept employés y travaillent. On y offre l’hébergement, un service de restauration et des activités de villégiatures au cœur de la nature, cela dans une ambiance familiale, puisque Claudine et son conjoint, Michel travaillent de pair à la mission. Et non seulement ils y travaillent, mais ils y vivent en compagnie de la mère de Claudine, charmante dame qu’Anie appelle affectueusement Grand-mère que j’ai une le plaisir de rencontrer lors de nos séances virtuelles de formation.
Au tout début, le site Traverseux portait le nom de Musée les Voitures d’Eau. Il appartenait aux Voitures d’eau et était la propriété du beau-père de Claudine, monsieur Éloi Perron. Ces deux entreprises faisaient partie du décor de L’Isle-aux-Coudres depuis plusieurs décennies. En 2000, monsieur Perron décida de vendre ses parts à son fils Michel pour assurer la continuité des opérations. Tous deux impliqués dans l’entreprise, Claudine et Michel se sont bien rendu compte qu’ils manquaient de souffle et de relève pour la partie historique du site. Ils ont donc pris la décision de se départir du musée, afin de concentrer leurs énergies à l’hôtel-motel. Ils décidèrent alors d’approcher Anie, femme reconnue dans la région pour ses qualités de battante dans la course en canot à glace, ainsi que pour son leadership exercé dans le cadre de plusieurs événements et comités pour lui faire part du legs culturel souhaité. Tous y ont vu un gage de réussite et de pérennité pour l’avenir de l’entreprise. Anie et son organisme à but non lucratif formulèrent alors une offre d’achat, obtinrent les subventions nécessaires pour l’acquisition et la rénovation du site et puis voilà…c’était lancé! Anie à la barre de la direction générale avec toute sa fougue et son sens de l’innovation. Claudine la prudente et la diplomate qui outre ses fonctions de direction aux Voitures d’eau, agit à titre de vice-présidente au conseil d’administration des Traverseux. L’équilibre quoi!
ML : Expliquez-nous votre état d’esprit au moment de prévoir la reprise des affaires faisant suite à la mise sur pause du Québec en mars 2020.
CP et AH : Si nous sommes toujours en affaires c’est grâce à ce qui nous unies. Nous venons toutes deux du milieu des affaires et nous sommes habituées de surmonter des épreuves et le fait de les vivre ensemble nous a toujours rendues plus fortes. Toutefois, la reprise du printemps 2020 s’annonçait plus difficile que ce que nous avions vécu jusqu’à maintenant. Nous étions fragilisées économiquement en raison de l’arrêt imposé des activités économiques, submergées d’information, bombardées d’opinions parfois contradictoires et sollicitées par nos équipes qui vivaient elles aussi de l’insécurité.
Habituées de prendre des décisions même si elles ne sont pas toujours faciles ou populaires, nous n’avons pas fait exception à la manière de faire dans ce cas exceptionnel. Nous nous sommes une fois de plus unies et avons pris les devants. La solution? Utiliser les programmes offerts par les différents paliers de gouvernement et se faire accompagner pour gérer le risque de santé publique qui en devenait un de santé au travail par la bande. Étant du secteur du tourisme, nous avions des inquiétudes pour notre personnel quant à l’intervention et la cohabitation avec la clientèle. En effet, gérer le risque de contamination en milieu de travail auprès d’une population connue, nos employés en l’occurrence, est une chose. Mais gérer le risque en présence de gens de tout horizon, de toute croyance, et cela, dans un contexte parsemé d’inconnus en est une autre.
ML : Quelle fut alors la solution mise de l’avant pour appréhender la complexité de la mise en œuvre des consignes sanitaires qui parfois, n’étaient pas toujours claires en raison du contexte exceptionnel de la crise, et à certains égards, pas tout à fait à la hauteur de la dangerosité constatée?
CP et AH : Le programme de formation en Gestion de risque en temps de pandémie de Marie Laberge nous est arrivé via Emploi-Québec, juste à temps pour nous préparer à la reprise plutôt que d’y réagir. Le programme comprenait un volet pédagogique, mais surtout un volet accompagnement (coaching) des dirigeantes, ainsi qu’un volet spécifiquement adapté aux employés. Ce contenu et la formule proposés ont été salutaires pour nous et nos équipes. Il s’est avéré que nos décisions ont été prises certes, en fonction de ce qui était dit et prescrit par la Santé publique, mais surtout en fonction du devoir de protéger nos gens. Comme vous nous le disiez souvent : « il est souvent approprié de faire plus que ce qui est exigé, mais l’option d’en faire moins ne doit pas en être une. La santé et la sécurité de vos employés et la pérennité de la mission doivent être au cœur de toutes vos décisions ». Votre approche à la fois humaniste et rationnelle de la gestion de risque nous inspire depuis ce temps à prendre les bonnes décisions plus efficacement, et à les assumer grâce à un argumentaire solide et constructif. Tous les apprentissages nous ont été utiles. C’est d’ailleurs ce qui nous a permis d’entreprendre la saison 2021 avec autant d’aplomb.
ML : Concrètement, parlez-nous de ce qu’a pu représenter la démarche de gestion de risque de la COVID proposé par le programme de Marie Laberge mis spécifiquement sur pied en réponse à la crise, et en prévision de la reprise anticipée.
CP et AH : D’abord, vous nous avez convaincues de restreindre les sources d’information en choisissant de ne consulter que les plus crédibles et officielles. En effet, la multiplication des sources représentait un agent de stress très important sur nous et nos équipes du fait qu’elles étaient souvent contradictoires, voire alarmistes. Dès le début du programme, vous nous avez conseillé trois ou quatre sources s’appuyant sur la science et les meilleures pratiques de nos domaines d’affaires respectifs. La pression fut abaissée d’un cran immédiatement, nous rendant ainsi plus aptes à entreprendre la seconde étape, celle de comprendre le danger et ses conséquences sur les personnes et la mission, afin de mieux intervenir en prévention.
Pour comprendre le danger, quoi de mieux que de l’identifier, l’analyser en termes de risque et enfin, réfléchir aux mesures d’atténuation prescrites et de leurs effets sur la protection de la santé et sécurité de nos gens. Une fois ces étapes franchies, nous étions en mesure de porter à nouveau un jugement sur ce qui devait être fait de plus dans la mesure où nous souhaitions protéger au maximum nos employés et assurer la continuité des affaires dans un contexte d’incertitude. Et nous y sommes arrivées.
Tout au long du processus, vous nous avez accompagnées dans la rédaction de notre plan de reprise des affaires en lien avec la pandémie :
- Pourquoi faire telle ou telle chose?
- Comment le faire?
- Qui fait quoi et qui remplace qui en cas d’absence?
- Où s’approvisionner?
- Quelles mesures d’atténuation mettre en place en cas de rupture des processus?
- Communiquer quoi et à qui?
- Informer qui et sur quoi?
Tout y était. Cet exercice nous a permis de ne pas être à la remorque des annonces de la Santé publique et des décisions du Gouvernement. Nous étions au-devant et fières de l’être malgré ce que ça représentait comme obstacle. En effet, étant donné que nous étions d’avant-garde, nous détonnions par rapport à certains autres établissements touristiques et la clientèle était sensible à cela. Certains y voyaient de l’exagération et ne comprenaient pas bien notre intention de bienveillance. Toutefois, nous avions ce qu’il fallait pour construire notre argumentaire et faire de la pédagogie en gestion de risque, même en ce qui concernait les plus récalcitrants. Nous estimons d’ailleurs que cette manière d’aborder la situation nous a permis de réaffirmer avec cœur notre engagement à l’égard de la protection de notre personnel.
ML : Parlez-nous des effets sur les personnes qu’a eus votre décision d’agir en amont face à la reprise.
CP et AH : Décider c’est faire preuve de rigueur, être à l’écoute et avoir confiance. Le déploiement précoce de nos plans de reprise que nous avons construits avec vous, incluant la formation des gestionnaires et du personnel, nous a permis d’équilibrer la réponse aux attentes entre les exigences sanitaires, les besoins du personnel, de la clientèle et de nous-mêmes comme dirigeantes. Cela a eu pour effet de rassurer chacun, de créer une culture de bienveillance au sein du personnel, incluant le management, ainsi que de la fierté par rapport à nos choix. Des choix courageux d’affaires et d’employeur qui ont eu, nous le pensons, de l’influence dans la vie personnelle des gens et de la communauté. L’expérience 2020 nous a d’ailleurs permis d’entreprendre 2021 avec beaucoup plus d’assurance; chacun comprenant pourquoi il faisait les choses, comment les faire et lesquelles faire.
ML : Y a-t-il une bonne pratique ayant émergé de cette expérience que vous entretiendrez pour l’avenir?
CP et AH : Dans nos milieux de travail respectifs, – et peut-être un peu parce que nous sommes des insulaires –, nous comptions déjà sur une culture d’entraide au sein de nos équipes, en plus de l’amitié qui unie plusieurs d’entre-nous. La gestion de cette crise a toutefois mis en relief l’importance d’entretenir une culture de bienveillance et de ne rien tenir pour acquis. Au-delà de la supervision, nous étions soucieuses d’assurer la pérennité des mesures de contrôle devant être appliquées par des personnes déjà soumises à beaucoup de stress, qu’il soit lié au travail ou à la vie domestique. C’est ici que l’interdépendance prenait tout son sens. Le contrôle de la pandémie étant principalement géré via des comportements humains, il devenait important pour nous de ne pas tomber dans la sanction et la répression, et cela, tout en gardant le cap sur la rigueur et l’intolérance face au risque. Nous avons donc misé sur l’autosurveillance, chacun ayant la responsabilité de dire à l’autre ce qu’il constate, que ce soit positif ou non. À titre d’exemple, de raconter Claudine, il m’arrivait d’oublier mon masque lorsque je revenais de l’extérieur. Gentiment, mais promptement, mon personnel m’en faisait le rappel. Pas de résistance de ma part. Un seul sourire ou un remerciement bien senti témoigné à titre d’appréciation de prendre soin de ma santé. Dans un contexte à si forte pression, nous nous accordions le droit à l’erreur à condition de ne pas tolérer le danger. Et dans le même esprit, lorsque je rentrais à l’intérieur avec mon masque, on m’en félicitait.
Dans le même ordre d’idée, de bonifier Anie, j’ai dû interpeller occasionnellement des clients rébarbatifs et insister jusqu’à ce qu’ils respectent entièrement les exigences avant d’accéder au site et de côtoyer mon personnel et les autres clients. Ce qui comptait pour moi était d’envoyer un message fort à l’effet que mon principal souci était celui de donner accès à notre mission tout en protégeant la santé des gens, et prioritairement celle des membres de mon équipe. Je m’en étais fait un point d’honneur.
Autre mesure un peu plus terre à terre que nous conserverons de cette expérience est le lavage des mains à l’entrée de nos sites. C’est une bonne habitude qui ne représente que très peu d’inconvénients, voire aucun. C’est simple, hygiénique et approprié. L’autre mesure concerne le port du masque en présence de symptômes de rhume ou de grippe dans un contexte communautaire et de travail. Tout simplement sensé. Pourquoi ne le faisions-nous pas déjà d’ailleurs!
ML : Je vous sens plus sereines, plus confiantes par rapport à l’avenir. Parlez-nous des défis des prochaines saisons et de votre manière de les aborder.
CP et AH : Pour nous, notre principal défi est de se relever économiquement de cette expérience. Les coûts humains et financiers pour gérer le contexte ont été, et le seront possiblement encore quelque temps, très importants. Rebondir et rentabiliser la mission en pensant autrement et en trouvant de nouvelles manières de faire les choses font partie de nos préoccupations quotidiennes. Dans l’immédiat, nous cherchons à nous ajuster, à retrouver une certaine normalité même si l’expression nous énerve quelque peu. Tranquillement, chacune prend l’habitude et s’approprie le contexte tout en prenant soin de l’autre.
Comme décideuses, nous sommes toutes les deux mieux équipées qu’auparavant pour relever de futures adversités, et nos équipes aussi. Vos outils et vos formations nous ont permis de développer plus que jamais notre autonomie et notre sens critique grâce à la gestion de risque.
En guise de conclusion
Le privilège que m’accordent les dirigeantes et dirigeants que je côtoie est bien plus grand qu’une simple relation professionnelle ou d’affaires. Il s’agit d’un partage expérientiel de part et d’autre, promesse de devenir de meilleures personnes et de transmettre aux suivants pour des milieux de travail plus bienveillants et plus pérennes.
Cette entrevue qui s’inscrit dans la série Entrevue avec un dirigeant vous aura certainement touché autant que cette rencontre aura été significative pour moi. Les apprentissages tirés de l’expérience de ces deux dirigeantes de petites entreprises sont riches d’astuces et sauront assurément vous inspirer dans vos pratiques, peu importe la dimension de votre entreprise et de votre secteur d’activité.
Tout comme elles, cultivez l’efficience et la bienveillance pour en récolter le meilleur.
Suivez nos aventures, ou mieux encore…osez vivre l’aventure avec Marie Laberge.
Crédit photo : Sophie Grenier, photographe